Notre-Dame de Tongre, quelques souvenirs de la confrérie montoise.
La chapelle de la collégiale Sainte-Waudru dédiée à Notre-Dame de Tongre[1] est, depuis 1683, la chapelle axiale (qui fut de tout temps dédiée à la Vierge). Tongre s’orthographie bien sans « s » final car la référence est Tongre-Notre-Dame près de Chièvres et non Tongeren !
L’histoire de Notre-Dame de Tongre remonte à la nuit du 1er au 2 février 1081[2] quand l’image de la Vierge portant l’Enfant est apportée dans le jardin du seigneur Hector, dans une nuée blanche, par des anges pendant que d’autres jouent de la musique. Le seigneur fait déposer l’image dans l’église paroissiale mais, par trois fois, les anges la reconduisent dans le jardin. Finalement, le jardin sera converti en chapelle et Marie sera dès lors particulièrement vénérée à l’endroit qu’elle a choisi pour son apparition. C’est ainsi que débute l’histoire près de Chièvres.
Très vite, Notre-Dame de Tongre fut l’objet de nombreux pèlerinages. Des confréries sous son invocation s’érigèrent aussi dans toute la région (Ath, Bavay, Condé, Landrecies, Le Quesnoy, Maubeuge, Nivelles, Saint-Ghislain, Tournay, Valenciennes, …).
A Mons, c’est « seulement » en 1683 qu’une confrérie mixte[3] de Notre-Dame de Tongre fut érigée en la collégiale Sainte-Waudru. Il semble que les chanoinesses figurèrent parmi les premières consœurs, tout comme s’y engagèrent quelques unes des dernières chanoinesses parmi lesquelles mesdames d’Argenteau dite de Rouxmiroir (entrée en 1752), de Wurmbrand Marie-Thérèse (entrée en 1777), de Spangen Marie-Thérèse (entrée en 1789) et de Spangen Henriette (entrée en 1813, soit bien après la suppression du chapitre de Sainte-Waudru).
Avec le temps, et surtout depuis la Révolution française, les confréries qui existaient en la collégiale ont disparu. Celle de Notre-Dame de Tongre a existé jusque dans la première partie du XXe. Malgré leur disparition, une partie du patrimoine des confréries a subsisté et nous pouvons encore le découvrir au début du XXIe siècle.
Le vitrail (1873) de la chapelle « raconte » l’apparition miraculeuse de Notre-Dame de Tongre en 1081 au seigneur Hector. On y voit la Vierge et l’Enfant entourés d’anges et d’une nuée blanche. Une inscription sur deux « étendards » : « Anno Domini » et « 1081 » rappelle l’année d’apparition de la Vierge près de Chièvres.
Le retable, en pierre, marbre et laiton (1906), évoque aussi la légende. La Vierge, assise et portant l’Enfant, apparaît dans une gloire dorée (rappel de la nuée blanche de la légende) qui semble portée par deux anges ailés. Sur les côtés, toujours un rappel de la légende, deux anges musiciens accompagnent l’apparition.
Mais le patrimoine conservé en la collégiale peut s’avérer plus discret que celui se trouvant dans la chapelle axiale.
Ainsi, le Trésor de la collégiale possède quatre chandeliers d’argent[4] issus de l’autel de la chapelle de Notre-Dame de Tongre. Sur les pieds de ces chandeliers figure une représentation gravée de la Vierge. Un des quatre chandeliers porte en outre l’inscription « Tongre 1756 ».
Deux plus petits chandeliers d’argent (XVIIIe), présentés au Trésor, portent, gravée sous le pied, leur destination en la collégiale : « Tongre ».
Un calice du Trésor daté de 1793, exécuté presqu’au terme de l’existence du chapitre de Sainte-Waudru, est encore souvent utilisé pour les célébrations liturgiques en la collégiale. Une inscription, gravée sous sa base ronde, indique sa destination première : « CEST CALICE APPARTIENT A NOTRE-DAME DE TONGRE DANS L’EGLISE DE STE WAUDRU A MONS 1793 ».
D’autres œuvres, également issues des collections de la confrérie de Notre-Dame de Tongre, sont présentées au Trésor.
Ainsi, une masse de pèlerin ou de bedeau (XVIIe et restauration du XIXe) montre une représentation de Notre-Dame de Tongre réalisée en argent. Une inscription sur la douille précise : « M A GHISLAIN PP 1683 ». Il s’agit donc probablement d’une œuvre réalisée à l’occasion de la création de la confrérie montoise. Notons toutefois que la photothèque « BALaT »[5], sur le site de l’IRPA, donne en commentaires « datation : gravé … 1663 ». Il s’agit d’une erreur car la date gravée est bien 1683.
Une monstrance sur pied (argent de 1793, donc probablement réalisée en même temps que le calice évoqué ci-dessus) présente une « mini » statuette en terre cuite de Notre-Dame de Tongre surmontant un fragment de la robe de Notre-Dame apportée par les anges. Cette « relique » est entourée de perles et est fixée sur un tissu or figurant une robe que porterait la mini statuette. Une inscription est visible sur la face avant de la monstrance « Robe de N.D. de T. apportée par les A. ».
Au dos de cette composition, sur le carton de forme avale qui maintient le tout, une inscription nous donne l’origine immémoriale de la relique :
« Mr l’abbé Desquesnes Prévôt de la confrérie de Notre Dame de Tongres (sic) en l’Eglise de Ste Waudru à Mons a été autorisé par Nous Soussigné Vicaire Général, à placer ci de l’autre part pour plus de décence, le morceau de la robe de notre Dame de Tongres (sic) environné d’un petit cercle ovale en perles, lequel morceau, de temps immémorial, a été exposé à la vénération des fidèles en la Chapelle de notre Dame de Tongres (sic) en l’Eglise de Ste Waudru ./. Donné à Mons le 13 juillet 1825. PJ Godefroy Vic. Gen. Du Diocèse de Tournay le Siège vacant ».
Conservé derrière le carton, un papier porte deux inscriptions.
- D’un côté : « De la Robbe de l’image miraculeuse de Nre Dame de Tongre apportée par les Anges …. ……1683.[6] Pasteur dud Tongre »
- De l’autre : « La pièce qui est entre les perles du milieu est une partie du sacré Manteau ou robe de N. Dame de Tongre apportée par les Anges. Tesmoing Claude Antoine Bettignies 8bre 1683 ».
Ces deux dernières inscriptions confirment que la « relique » a été donné à la nouvelle confrérie de Notre-Dame de Tongre à Mons en 1683 (année de la création de la confrérie montoise) et que le tout a été réinstallé dans l’orfèvrerie de 1793 en 1825.
Ajoutons encore quelques pièces métalliques (cuivre et argent) qui ornaient probablement des bannières ou des chandeliers. Et n’oublions pas la bannière de la confrérie qui est toujours conservée, mais non visible, en la sacristie. Signalons aussi que le site de l’IRPA mentionne trois plateaux de quête en étain (propriété selon inscriptions de « N.D. de Tongre ») encore photographié en 1976.
Un seul élément textile évoque de nos jours Notre-Dame de Tongre dans les collections de la collégiale. Une chasuble du début du XVIIe[7] (fortement restaurée au XXe) présente ainsi une croix de velours rouge sur laquelle est brodé un arbre. Au centre de l’arbre, une gloire aux fils d’or met en évidence une représentation de Notre-Dame de Tongre. Cette chasuble, très rarement exposée au Trésor, est soigneusement conservée dans les tiroirs des armoires XVIIIe de la sacristie.
Mais le souvenir le plus évident, et probablement le plus connu, de la confrérie de Notre-Dame de Tongre est la statue (1683), habillée d’une robe et d’un manteau finement brodés, qui participe chaque année à la procession dite du Car d’Or. Elle porte pour l’occasion un fin voile de dentelle et des couronnes en argent (1777 pour la couronne de la Vierge ; XVIIIe pour celle de l’Enfant).
En confiant la chapelle axiale de leur collégiale à la confrérie de Notre-Dame de Tongre, les chanoinesses ne savaient pas que, de toutes celles admises par elles en leur église, la confrérie de Notre-Dame de Tongre serait celle qui léguerait au patrimoine de la collégiale le plus de souvenirs matériels.
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor
[1] Voir au sujet de la chapelle : DEVILLERS Léopold, Mémoire historique et descriptif sur l’église de Sainte-Waudru à Mons, Mons, 1857, p 74-76.
[2] La nuit du 1er au 2 février, en la basilique de Tongre-Notre-Dame, une messe de minuit est célébrée chaque année en souvenir du miracle de 1081.
[3] Il y avait donc des confrères et des consœurs.
[4] Ces chandeliers ne sont pas exposés au Trésor mais, en partie, utilisés lors des cérémonies de descente et de remonte de la châsse, de même que pour les Te Deum.
[5] Belgian Art Links and Tools.
[6] Deux mots illisibles.
[7] On peut donc raisonnablement penser que les broderies ont été réalisées avant la création de la confrérie montoise et furent données en cadeau lors de la création de celle-ci.
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