Chaque année, depuis 1972, c’est au Doyen de Sainte-Waudru qu’il revient de désigner le prêtre qui siègera sur le Car d’Or lors de la Procession de la Trinité. Le choix se porte alternativement sur un prêtre en service à Mons et sur un prêtre originaire de Mons. Auparavant, le privilège était détenu par le premier vicaire de la Collégiale.

L’abbé Félix Misonne fait partie de ces prêtres qui ont pu participer à la procession de la Trinité sur le véhicule le plus connu des Montois.

Son acte de naissance et de baptême est rédigé à Mellet, paroisse Saint-Martin (Province de Hainaut, commune : Les Bons Villers) :

« L’an 1795 le 14 8bre vers 8 heures du soir est né Félix en légitime mariage de Paul Joseph Misonne né à Lodelinsart et Marie Françoise Mormal née à Mellet Conj. Baptisé le 15 vers 4 heures après-midi, le parrain a été Jacques Motte, marraine Marie Augustine Draguet et ont ici signé.

(sé) Paul Misonne ; JJ Motte ; Anne Marie Augustine Draguet ; En foi …  J.J. Carion curé »[1].

Ordonné prêtre le 6 août 1823, alors qu’il enseignait au collège de Soignies depuis un an, il fut ensuite directeur du couvent de Bliquy (1831) et professeur à Bonne-Espérance (1836)[2]. Le 23 juin 1837, il fut nommé vicaire à Sainte-Waudru et, la même année, il fut le fondateur, et directeur pendant un demi-siècle, de la Congrégation de la Très Sainte Vierge. C’est donc à Mons qu’il passa la plus grande partie de sa carrière ecclésiastique. Le Chanoine Michez, Doyen de Sainte-Waudru, lors des funérailles de l’abbé Misonne rapportera que pour l’abbé Misonne la carrière n’était pas un objectif en soi : « Il demanda et obtint comme une faveur de rester perpétuellement le quatrième vicaire de Sainte-Waudru ; le dernier par le rang, oui, mais le premier par l’humilité, par l’esprit de foi et l’exactitude qu’il apportait à ses fonctions, par son obligeance envers ses collègues, par sa déférence et sa soumission au chef de la paroisse »[3].

Il meurt à Mons à l’âge de 91 ans, le 2 novembre 1886 :

« L’an mil huit cent quatre-vingt-six, le trois du mois de novembre à deux heures après-midi par devant nous Achille Legrand Echevin, Officier de l’Etat Civil de Mons, Province de Hainaut, Chevalier de l’Ordre de Léopold sont comparus Auguste Misonne, âgé de cinquante-neuf ans, marchand brasseur, domicilié à Villers Corroy et Pierre Lemaire, âgé de soixante-trois ans, chantre, domicilié en cette ville, le premier neveu ; le second voisin du défunt ; Lesquels nous ont déclaré que Felix Misonne, âgé de nonante et un ans, prêtre, né à Mellet et domicilié en cette ville, fils de Paul Misonne et de Marie Françoise Mormal, décédés ; est décédé hier à neuf heures du soir dans sa maison sise rue de la Grosse Pomme. Et ont les comparants signé avec nous le présent acte après qu’il leur en a été fait lecture.

(sé) A. Misonne ; P. Lemaire ; Achille Legrand »[4].

Mais le plus intéressant à propos de Félix Misonne est ce que l’on peut lire dans la presse montoise lors d’un compte rendu de la procession de 1881 : « Hier dimanche, la procession de Sainte-Waudru a parcouru son itinéraire par un temps à souhait. Le vénérable abbé Misonne était à son poste sur le Car d’Or. Voilà près d’un demi-siècle, sans aucune interruption, que M. Misonne, maintenant octogénaire, occupe cette place à la grande procession de Mons »[5].

Cinq ans plus tard, lors de la relation de la procession, on apprenait que l’abbé Misonne avait cédé sa place : « Le Car d’Or était, cette année, surmonté d’un nouveau talapoint – M. l’abbé Misonne étant trop âgé pour supporter encore cette fatigue … sacerdotale. Son successeur, qui est rondelet, et que nous pourrions appeler l’abbé Mi-Tonne, a lui aussi donné consciencieusement, aux carrefours, la représentation que vous connaissez »[6].

L’abbé Misonne a donc participé pour la dernière fois à la procession de la Trinité en 1885. Il aura peut-être assisté à la procession de 1886, quelques mois avant de mourir. Il reste probablement le prêtre qui a effectué le plus de processions sur le Car d’Or durant son long mandat de vicaire en la collégiale Sainte-Waudru.

Le Car d’Or tel que l’a connu l’abbé Misonne avant la modification du support pour placer la châsse de 1887 – collection privée.

Au moment de son décès, la presse insiste sur ses nombreuses participations à la procession de la Trinité :

« Nécrologie. – Nous apprenons la mort du bon vieil abbé Misonne, qui, tant d’années consécutives, a accompagné sur le « Car d’or » les reliques de Ste-Waudru. Il était âgé de 92 (sic) ans. M. Misonne était aussi directeur de la congrégation de la sainte Vierge. Les funérailles seront célébrées en l’église de sainte Waudru samedi prochain six novembre à onze heures »[7].

Au XXe siècle aucun des premiers vicaires de Sainte-Waudru n’approche les cinquante participations à la procession de la Trinité sur le Car d’Or. Les trois qui ont pu y participer le plus (s’ils n’ont jamais cédé leur place à un collègue qui souhaitait faire l’expérience de la procession sur le Car d’Or) sont l’abbé Marot (6), l’abbé Williot (6) et l’abbé Bourguet (15).

Au début de ce texte, les conditions pour être le prêtre du Car d’Or étaient précisées : être en service à Mons ou être originaire de Mons. Mais « être en service à Mons » n’est pas valable pour les doyens. Les doyens de Sainte-Waudru, durant leur mandat, ne peuvent aller sur le Car d’Or. Il y a cependant eu deux exceptions : Mgr de Croÿ (en 1930, 1938, 1939) et le doyen André De Caevel (en 1996). Toutefois, quand les circonstances le permettent, un ancien doyen de Sainte-Waudru est invité à participer à la procession de la Trinité sur le Car d’Or par l’un de ses successeurs…

Le Car d’Or, photographié avant le 16 juin 1889, jour de la Trinité. Le Car d’Or, une photographie l’atteste, dispose à partir de la procession de 1889 du nouveau socle pour porter la châsse de sainte Waudru – collection privée. Photo du Car d’Or sur laquelle le support de la châsse a été effacé … mais pas l’échelle bien visible au centre – collection privée.

Pour terminer, il faut signaler que lors de ses processions sur le Car d’Or, l’abbé Misonne accompagnait les reliques de sainte Waudru protégées par la châsse en bois réalisée en 1804[8]. Il n’a pas connu la châsse actuelle, due à l’orfèvre Wilmotte, étant décédé moins d’un an avant son inauguration en septembre 1887.

Benoît Van Caenegem

Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor

[1] Archives de l’État en ligne (A.É.L.), Registres paroissiaux. Province du Hainaut. Arrondissements de Charleroi et Mons, Mellet (Les Bons Villers), paroisse Saint Martin, Registres Paroissiaux. Actes de baptêmes, Registres Paroissiaux. Actes de baptêmes du 11 janvier 1792 au 03 novembre 1797, p.16 (consulté le 13.03.2022).
[2] Voir le souvenir mortuaire de l’abbé Félix Misonne à la Bibliothèque du Séminaire de Tournai.
[3] Bibliothèque du Séminaire de Tournai, Semaine religieuse du Diocèse de Tournai, n° 46, samedi 13 novembre 1886, 18e année.
[4] A.É.L., État civil. Province du Hainaut. Arrondissements de Charleroi et Mons, Mons, État civil : actes de décès, 1882-1887, acte 571 de 1886, p. 836 (consulté le 13.03.2022).
[5] Bibliothèque Centrale de l’UMons (BCUMons), Le Hainaut, lundi 13 et mardi 14 juin 1881, p. 2.
[6] BCUMons, L’Organe de Mons, mardi 22 et mercredi 23 juin 1886, p. 2.
[7] BCUMons, Le Hainaut, jeudi 4 novembre 1886, p. 2.
[8] De 1838 (probablement) à 1867, il fut le dernier à processionner sur le Car d’Or avec les deux reliquaires en bois (châsse et chef) créés en 1804 et qui contenaient alors les reliques (corps et crâne) de sainte Waudru.