Le Trésor de la collégiale conserve un calice (style du XVIIe) que l’on peut décrire ainsi :
« Fausse coupe où trois têtes d’anges saillantes alternent avec trois médaillons repoussés et ciselés représentant : l’Annonciation – la Visitation – la Circoncision. Sur la tige, deux bagues plates avec têtes d’anges saillantes, gros nœud en olive avec trois têtes d’anges de même, fruits et feuilles ciselés ; sur le pied, trois têtes d’anges saillantes alternent avec des scènes moulées, repoussées et ciselées : l’Adoration des Bergers – l’Adoration des Mages – la Fuite en Egypte. Pied rond, sur le bord duquel des têtes d’anges parmi les feuillages forment des motifs ajourés. Style du XVIIe siècle. H 27,7cm, Ø de la base, 18 cm. » [1]
Sur la fausse coupe, les sujets représentés sont donc l’Annonciation, la Visitation et la Circoncision.
Les scènes figurant sur le pied du calice représentent une Adoration des Bergers, une Adoration des Mages et une Fuite en Egypte.
Attardons-nous un peu, d’abord sur la fausse-coupe puis sur le pied, à ces scènes qui illustrent parfaitement (de l’Annonciation à la Fuite en Egypte) la « séquence de Noël » .[2]
L’Annonciation
« L’ange entra chez elle et lui dit : Réjouis-toi, le Seigneur t’a accordé une grâce particulière, il est avec toi. Marie fut très troublée par ces mots ; elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : N’aie pas peur, Marie, car tu as la faveur de Dieu. Tu vas devenir enceinte et tu mettras au monde un fils que tu nommeras Jésus. Il sera grand et on l’appellera le Fils du Dieu très haut. Le Seigneur Dieu fera de lui un roi, comme le fut David son ancêtre, et il règnera sur le peuple d’Israël pour toujours, son règne n’aura point de fin » (Lc 1, 28-33)
Sur le calice, l’ange Gabriel, vêtu d’une tunique et d’une cape, vient d’apparaitre devant Marie qui a un mouvement de recul et se frappe la poitrine. L’ange tient de la main gauche une fleur de lys qui se découpe sur une fenêtre qui est fermée de morceaux de verre losangés. De la main droite, Gabriel semble esquisser un geste de bénédiction. Marie donne l’impression d’être assise devant un prie-Dieu qui serait recouvert d’une étoffe.
La Visitation
« A cette même époque, Marie se mit en route et se rendit en hâte dans une ville de la région montagneuse de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Au moment où Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant remua au-dedans d’elle. Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit et s’écria d’une voix forte : Dieu t’a bénie plus que toutes les femmes et sa bénédiction repose sur l’enfant que tu auras » (Lc, 1, 39-42).
Sur le calice, dans une scène qui se déroule en extérieur, Marie et Élisabeth se rencontrent et se prennent dans les bras. Marie, très souriante, est représentée sur la droite et est nettement plus jeune que sa cousine. Derrière Marie, le décor évoque la « campagne » tandis que derrière Élisabeth c’est une construction étagée qui sert de fond.
La Circoncision
« Une semaine après, le moment vint de circoncire l’enfant ; on lui donna le nom de Jésus, nom que l’ange avait indiqué avant que sa mère devienne enceinte » (Lc, 2, 21).
Sur le calice, la scène présente Marie agenouillée devant un « autel » sur lequel l’enfant Jésus est présenté, probablement par Joseph. Près de l’autel un responsable religieux, richement vêtu et coiffé, va ou vient de procéder à la circoncision. Près de Marie, qui semble détourner son regard de l’acte en cours, un panier vide, dont le contenu (des pains ?) répandu devant l’autel comme offrande, est posé sur le sol.
L’Adoration des Bergers
« Il alla s’y faire inscrire avec Marie, sa fiancée. Elle attendait un enfant et, pendant qu’ils étaient à Bethléem, le jour arriva où son bébé devait naître. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la maison où logeaient les voyageurs. Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur brilla autour d’eux. Ils eurent alors très peur. Mais l’ange leur dit : N’ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : cette nuit, dans la ville de David, est né votre Sauveur ; c’est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître ; vous trouverez un bébé enveloppé de langes et couché dans une crèche. Tout à coup, il y eut avec l’ange une troupe nombreuse d’anges du ciel, qui louait Dieu en disant : La gloire est à Dieu dans les cieux très hauts et sa paix est accordée sur la terre aux hommes qu’il aime. Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons donc jusqu’à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. Ils se dépêchèrent d’y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le bébé couché dans la crèche » (Mc, 2, 5-16).
Sur le Calice : Jésus est couché dans la crèche. Près de lui, Marie est agenouillée les mains jointe. Derrière l’enfant, et cachant ainsi en partie saint Joseph, un ange (facilement identifiable à ses ailes) contemple l’Enfant. Un berger (assez « richement » vêtu) est lui aussi agenouillé près de Jésus qui vient de naître. Le fond de la scène est constitué d’un mur de brique terminé sur la droite par une porte fermée. Notons aussi, même si les évangiles officiels ne les évoquent pas, dans le haut de la scène, la présence de l’âne et du bœuf qui sont situés derrière le mur évoqué. C’est l’évangile du pseudo-Matthieu qui introduit les deux animaux devenus traditionnels dans le récit et donc dans les crèches :
« Le troisième jour après la naissance du Seigneur, Marie sortit de la grotte, entra dans une étable et déposa l’enfant dans la crèche, et le bœuf et l’âne l’adorèrent. Alors s’accomplit la parole du prophète Isaïe : « le bœuf a reconnu son maître et l’âne la crèche de son maître. » Ces animaux avaient l’enfant entre eux et l’adoraient sans cesse. Alors s’accomplit la parole du prophète Habacuc : « Tu te feras connaître entre deux animaux ». »[3]
L’Adoration des Mages
« Après avoir reçu ces instructions du roi, ils partirent. Ils virent alors l’étoile qu’ils avaient remarquée à l’Est : elle allait devant eux, mais, au moment où elle arriva au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant, elle s’arrêta. Ils furent remplis d’une très grande joie en la voyant ainsi. Ils entrèrent dans la maison et virent l’enfant avec sa mère, Marie. Ils se mirent à genoux et adorèrent l’enfant ; puis ils ouvrirent leurs bagages et lui offrirent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ensuite, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner auprès d’Hérode ; ils prirent alors un autre chemin pour rentrer dans leur pays » (Mt, 2, 9-12).
Sur le Calice : Les Mages, très richement vêtus et, pour certains, couronnés, viennent adorer l’Enfant et lui offrir des cadeaux. Jésus porté dans les bras de Marie « semble » faire un geste de bénédiction de la main droite. Il faut noter au sommet de la scène (qui pourrait se passer en extérieur si l’on en croit le fond de la scène qui représente un édifice fermé) une étoile à 6 rais, celle qui a guidé les Mages vers Jésus.
La Fuite en Egypte
« Après que les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis en Égypte ; reste là-bas jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire mourir. Joseph se leva donc, prit l’enfant et sa mère et partit avec eux pendant la nuit pour l’Égypte. Il y resta jusqu’au jour où Hérode mourut. Cela arriva afin que se réalise ce que le Seigneur avait dit par le prophète : J’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte » (Mt, 2, 13-15).
Sur le calice : Joseph (qui semble effacé car représenté dans un relief un peu plus discret que le reste de la scène) conduit vers l’Egypte l’âne sur lequel a pris place Marie portant dans ses bras son fils Jésus. Notons que l’orfèvre a représente Marie et Joseph dans un moment où tous les deux regardent directement leur Fils.
La paroisse Sainte-Waudru dispose ainsi d’un calice qui peut être facilement utilisé en période de Noël. Certes, les scènes représentées sur le calice ne sont pas aussi imposantes que l’Adoration des Bergers peinte par Jacques-Joachim de Soignies au XVIIIe (transept Nord) ; l’Annonciation, remarquablement sculptée au XVIe dans l’albâtre par Jacque Du Broeucq ; une nativité (XXe – retable dans la chapelle de Notre-Dame d’Alsemberg) ; l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, l’Adoration des Mages, la Présentation au Temple, la Fuite en Egypte qui constituent le thème principal des verrières hautes (XVIe) du chœur (côté Nord).
Et bien sûr, sans oublier la séquence de Noël telle qu’elle est représentée dans un livre d’heures de Janneke Bollengier, livre réalisé vers 1490-1510, précieusement conservé au Trésor et dont les miniatures (pour les conserver le mieux possible) ne sont que très, très, rarement, visibles.
Mais pour en revenir au calice, il est un objet du culte et s’il sert chaque année en période de Noël, il garde son sens et vit avec la communauté paroissiale du XXIe siècle tout comme il vivait, probablement en cette même période de Noël, du temps des chanoinesses … dont l’une d’entre elles, Mme d’Ongnies, a probablement, mais sans certitude, été la donatrice.
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
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[1] Description due à l’abbé Albert Noirfalise ancien conservateur de la Collégiale et de son Trésor. [2] Les citations issues des évangiles officiels qui suivent sont reprises dans : La Bible Ancien et Nouveau Testament avec les Livres Deutérocanoniques, Alliance Biblique Universelle, Leeuwarden, 1992. [3] France QUERE, Evangiles apocryphes, édition Seuil, Saint-Amand, 1983, p.82.