Du 26 au 29 septembre 2024, le pape François (élu le 13 mars 2013) effectuait une visite en Belgique avec pour thème « En route avec Espérance ». La visite papale était limitée à Bruxelles, Leuven et Louvain-la-Neuve dans le cadre du 600e anniversaire de la fondation de l’Université de Louvain[i]. Une messe célébrée au stade Roi Baudouin, devant près de 40.000 personnes, concluait la visite le dimanche 29. Au début de la célébration, le pape François a béatifié Sœur Anne de Jésus qui, en plus de bien d’autres, en 1608 avait fondé le Carmel de Mons
Pas de passage donc par Mons pour l’actuel souverain pontife. Les liens entre les papes et Sainte-Waudru (collégiale et chapitre) ont pourtant été nombreux au fil du temps.
Ainsi, alors que le Chapitre de Sainte-Waudru existait, les papes ont accordés des privilèges, des autorisations, des droits aux chanoinesses sans, bien évidemment, passer par la capitale du Hainaut.
Donc, et sans être exhaustif, en consultant les volumes des chartes du Chapitre de Sainte-Waudru à Mons, il est possible de constater que divers documents donnés par les papes sont évoqués. Il s’agit en général de documents relatifs aux biens du chapitre mais aussi de décisions liées à la vie religieuse des chanoinesses. Les dates données après le nom des papes sont celles du pontificat).
- 18 février 1182, Lucius III (1181-1185) confirme les possessions et les privilèges du chapitre de Sainte-Waudru.
- 24 avril 1232, Grégoire IX (1227-1241) confirme les privilèges concédés par le comte Baudouin à l’église de Sainte-Waudru de Mons.
- 7 janvier 1236, Grégoire IX accorde au chapitre de Saint-Germain, de Mons, que trois de ses prébendes soient affectées aux chanoines prêtres qui desservent l’église de Sainte-Waudru.
- 9 février 1246, Innocent IV (1243-1254) confirme l’accord fait entre le chapitre de Sainte-Waudru, le comte de Hainaut et le châtelain de Bruxelles, au sujet du bois de Hal.
- 12 février 1246, Innocent IV confirme au chapitre de Sainte-Waudru les privilèges et immunités qui lui ont été accordés par Fernand, comte, et Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut, par leurs prédécesseurs et par d’autres personnes.
- 23 février 1246, Innocent IV confirme l’arrangement qui a eu lieu pour mettre fin au différend entre le chapitre de Sainte-Waudru et Harduin, maïeur de Mons, au sujet de leurs droits respectifs.
- 1er mars 1246, Innocent IV accorde au chapitre de Sainte-Waudru de ne pouvoir être contraint à fournir d’autres provisions que celles dont les lettres apostoliques font mention.
- 26 janvier 1249, Innocent IV charge Jean de Mons, chanoine de Tournai, d’obliger les chanoines de Saint-Germain à célébrer les offices de l’église de Sainte-Waudru, de Mons.
- 30 novembre 1431, Eugène IV (1431-1447) confirme les libertés et privilèges, et en particulier les biens et revenus de l’église de Sainte-
Waudru.
- 18 janvier 1474, Sixte IV (1471-1484) charge l’abbé de Saint-Nicolas de Tournai et le doyen de Notre-Dame d’Antoing de faire une enquête sur l’appel interjeté par le chapitre de Sainte-Waudru contre l’union de la cure de l’église de Saint-Germain de Mons à la table du chapitre de cette église.
- 15 décembre 1484, Innocent VIII (1484-1492) mande au doyen de l’église de Notre-Dame d’Antoing, du diocèse de Cambrai, de révoquer les aliénations de biens du chapitre de Sainte-Waudru qui ont été faites illégalement.
- 9 janvier 1492, bref[ii] du pape Innocent VIII, adressé à l’abbé du Parc, au doyen de l’église de Cambrai et à l’official de Tournai, au sujet de la conservation des biens spirituels et temporels de l’église de Sainte-Waudru de Mons.
- 18 juillet 1583, bref du pape Grégoire XIII (1572-1585) accordant aux chanoinesses et aux autres personnes de l’église collégiale de Sainte-Waudru des indulgences pour la confession et la communion.
- 10 juin 1636, bref du pape Urbain VIII (1623-1644) confirmant l’institution de la confrérie de la Miséricorde sous l’invocation de Saint-Yves, pour les personnes des deux sexes, dans une chapelle de l’église de Sainte-Waudru, de Mons et lui accordant des indulgences.
Mais si les écrits sont naturellement une source plus qu’utile pour la connaissance des interventions des papes en faveur de la collégiale (ou des chanoinesses), l’art apporte aussi dans le patrimoine de Sainte-Waudru quelques représentions papales.
Les verrières des chapelles de Sainte-Waudru[iii], contrairement aux verrières des XVIe et XVIIe, comportent de la sorte plusieurs représentations de papes :
- Dans la verrière (1906) du baptême du Christ (chapelle des fonts baptismaux), le pape représenté est saint Léon IV (847-855) identifiable à la tiare, à la férule[iv] papale à triple traverse et au dragon qui figure à ses pieds.
- Dans la verrière (1904) de la résurrection de Lazare (chapelle de Sainte-Marie Madeleine), un pape est représenté : Jules Ier (337-352) qui se reconnaît à la tiare, à la férule papale à triple traverse et à l’église qu’il tient de la main gauche.
- Dans la verrière (1903) consacrée à Saint-Jean-Baptiste de la Salle (chapelle du même nom), c’est le pape saint Léon le Grand (440-461) qui est représenté, identifiable grâce à la tiare, à la férule papale à triple traverse et au livre qu’il tient de la main gauche (symbolisant son titre de Docteur de l’église).
Dans les stalles (côté sud), un buste, sculpté dans le bois en 1707-1708, représente un pape coiffé de sa tiare. Les autres bustes d’ecclésiastiques sont des cardinaux et des évêques.
Sur le dos des stalles (déambulatoire sud), un autre pape est représenté dans un médaillon (bois sculpté XVIIIe). Il est coiffé de la tiare et une colombe lui dicte un texte. C’est une représentation de saint Grégoire le Grand (590 à 604).
Le retable dédié à saint Alphonse de Liguori (chapelle 2) représente le moment où le pape Benoît XIV (1740-1758) approuve la constitution de l’ordre établi par Alphonse de Liguori[v] (1696 – 1787). Benoît XIV est représenté coiffé de la tiare.
Au Trésor[vi], un reliquaire du XVIIe est présenté comme celui de « MARCEL PAPE » (308-309) mais … la relique a disparu avec le temps.
Une croix (bois, laiton et argent de 1667) est ornée à sa base d’un médaillon-reliquaire baroque sur la partie supérieure duquel se trouve une tiare papale posée sur deux clefs croisées.
Dans le livre d’heure (1490-1510), un pape, saint Grégoire, est représenté. Il est assis sur un trône, porte une chape, est coiffé d’une tiare et tient de la main gauche une férule à simple croix pendant qu’il donne une bénédiction de la main droite.
Et bien sûr, le premier des papes, saint Pierre (30/33-64/67, le plus long pontificat de l’Histoire), est souvent représenté dans la collégiale.
- Sur la châsse de sainte Waudru, Pierre est l’un des apôtres représentés. Il est identifiable aux clefs qu’il tient de la main droite ;
- Sur un bas-relief représentant le Christ remettant les clefs à saint Pierre (chapelle 1) ;
- Dans le livre d’heures de 1490-1510, une miniature représente les saints Pierre et Paul, saint Pierre facilement identifiable aux clefs qu’il tient de la main droite ;
- L’un des pignons du petit reliquaire (1323 ?) du Saint Sang, réalisé en argent et émail, présente la tête de saint Pierre (l’autre pignon est consacré au Christ – à moins que ce ne soit une représentation de saint Paul) ;
- Dans la verrière de la chapelle qui lui est dédiée, Pierre est représenté au moment où le Christ lui confie les clefs.
- Dans les scènes sculptées par Jacques Du Broeucq (ca 1505-1584), Pierre apparaît plusieurs fois, notamment dans la Cène (partie centrale du maître-autel) ;
- Une peinture du XVIIIe (chapelle 1) le représente en prière avec une clef posée devant lui ;
- Dans la chapelle 1, dans la niche de l’autel, une statue le représente avec des vêtements peint à la mode néogothique et tenant une clef de la main gauche ;
- Il figure également dans les stalles (1707-1708) récupérées de la collégiale Saint-Germain après la Révolution française ;
- Une chasuble du XVe siècle le représente sur les orfrois (broderies aux fils d’or et d’argent sur des ornements liturgiques), en compagnie de saint Paul, sous une représentation du couronnement de la Vierge. Saint Pierre est identifiable à la clef qu’il tient de la main droite ;
- Sur une chape de la fin du XIXe ou du début du XXe, Pierre est représenté avec les clefs dans la main gauche, en compagnie de saint Joseph. Sur le chaperon de la chape, une représentation de la Trinité avec Dieu le Père couronné d’une tiare ;
- Sur une autre chape (fin XIXe – début XXe), Pierre est représenté tenant une clef de la main droite et auréolé. Sur son auréole est brodé en lettre rouge son nom « S. Petrus ».
Ainsi, même s’ils ne passent pas par Mons, les papes sont d’une manière ou d’une autre, associés à l’histoire et au patrimoine artistique de la collégiale Sainte-Waudru.
Et déjà, les papes du XXIe siècle ont, eux-aussi, été attentifs à Sainte-Waudru. En 2003, le pape Jean-Paul II (1978-2005)[vii] a choisi comme évêque de Tournai pour succéder à Mgr Jean Huard, le doyen de Sainte-Waudru Guy Harpigny. Quant au pape François[viii], le 26 mai 2018, il a accordé sa bénédiction[ix] aux Montois à l’occasion de la Ducasse de la Trinité s’inscrivant de la sorte dans une longue histoire entre la papauté et l’église des chanoinesses de Sainte-Waudru.
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor
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[i] Il faut noter que hors programme officiel annoncé, le pape François a rencontré en la paroisse de Saint-Gilles des personnes démunies et des migrants avec qui il a partagé le petit-déjeuner (le samedi 28) ; pris un moment pour prier devant la tombe du roi Baudouin et de la reine Fabiola (le samedi 28 en présence du roi Philippe, de la reine Mathilde et de l’ancien souverain le roi Albert II) ; a rencontré des réfugiés (à la nonciature, le samedi 28) ; a rendu une visite surprise aux jeunes qui participaient à une soirée «Hope Hapiness» dans une salle de Brussels Expo (le samedi 28).
[ii] Un bref papal est un acte administratif du pape appelé ainsi en raison de sa brièveté.
[iii] Pour les descriptions précises des verrières, il faudra se référer au remarquable travail (à paraître) de Noël Spitaels consacré à la vitrerie néogothique de la collégiale.
[iv] Il s’agit du bâton pastoral du pape (équivalent d’une crosse pour les évêques).
[v] En 1749, le pape Benoît XIV approuve la constitution de la « Congrégation du Très Saint Sauveur », rapidement nommée « Congrégation du Très Saint Rédempteur » dont les membres seront des Rédemptoristes (ces derniers possédaient, rue de la Grande Triperie, une église à Mons jusqu’au XXe – église depuis transformée en hôtel).
[vi] Le dépôt du Trésor des Sœurs Noires à la Collégiale par les Ateliers des FUCaM / UCLMons permet également, à de très rares occasions, de voir une bulle papale (concernant les Sœurs Noires et non Sainte-Waudru) munie du sceau en plomb sur lequel sont représentés les saints Pierre et Paul.
[vii] Le pape Jean-Paul II est né le 18 mai 1920 à Wadowice (Pologne), décédé à Rome le 2 avril 2005, béatifié par Benoît XVI le 1er mai 2011 et canonisé par le pape François le 27 avril 2014 (en même temps que le pape Jean XXIII).
[viii] Né à Buenos Aires (Argentine) le 17 décembre 1936.
[ix] « Alors que nous sommes réunis ce soir pour honorer la sainte Patronne de notre Ville et de la région, je suis heureux de transmettre à toute notre assemblée la Bénédiction du Pape François qui nous a été transmise par les bons soins de Monsieur le Gouverneur de la Province. Le Pape nous bénit et s’unit à notre joie en nous demandant de prier pour lui et à toutes ses intentions afin que le monde vive dans la fraternité ». Allocution du doyen André Minet lors de la cérémonie de descente de la châsse de sainte Waudru du samedi 26 mai 2018.