En visitant la collégiale Sainte-Waudru, il est possible de lire de nombreuses dates qui aident à situer dans le temps des éléments de son patrimoine. Certaines dates sont bien visibles ; d’autres sont bien « cachées ». Petite « visite » non exhaustive !
Débutons par l’extérieur de la collégiale, la date la plus visible (à deux reprises) est celle gravée sur les portes ouest : 1576. Les portes sont donc datées mais n’oublions pas que lors de leur réalisation, elles se trouvaient dans ce qui était encore la base du chantier de la tour (chantier commencé vers 1549 et arrêté en 1686/1687).
Sur la base d’un des contreforts de la tour (partie « oblique » du dernier contrefort avant la façade, à voir depuis le bas de la rampe Sainte-Waudru), une autre date, parfois plus difficile à lire (selon la luminosité), encadre les blasons des archiducs Albert et Isabelle : 1619. Année qui a vu les archiducs offrir une somme conséquente pour continuer les travaux de la tour.
Quelques gargouilles sont datées (et signées) mais les dates ne sont pas visibles aisément.
Pour découvrir d’autres dates, il faut entrer dans l’église dédiée à la sainte patronne de Mons.
Seules sept dates témoignent de la progression du chantier de Sainte-Waudru.
Il s’agit de cinq dates sculptées sur les hautes clefs de voûte du chœur, du transept et de la nef : 1506, 1525, 1527, 1580[i] et 1589.
En 1506, le chœur était terminé d’un point de vue structurel car il restait à placer les vitraux. En 1525, le transept nord et en 1527 le transept sud étaient à leur tour achevés. Quant aux travaux de la nef (inclus la travée unissant la nef à la tour), ils seront finalisés pour 1580 et 1589 (avec encore une trentaine d’années d’attente pour parachever le tout, notamment au niveau des vitraux).
Un peu moins haute, une clef du collatéral nord (à hauteur de la chapelle des fonts baptismaux) est millésimée 1524 et dans le collatéral sud (à hauteur de la chapelle Saint-Jean-Baptiste de la Salle) une autre clef est datée de 1529, ce qui correspond bien à l’avancement des travaux de la nef.
Les hautes verrières du chœur, du transept et de la nef laissent aussi apparaître quelques dates. Les plus faciles à observer directement « à l’œil nu » sont 1511, 1536, 1615, 1646, 1656 et 1658.
« 1511 » date deux des cinq verrières impériales offertes par Maximilien 1er : « Jésus parmi les docteurs » et « l’apparition du Christ à Marie » ; « 1536 » date la verrière de la Trinité ; « 1615 » date la verrière consacrée à François Buisseret « Saint François recevant les stigmates » ; « 1646 » (dans le transept sud) couronne une verrière consacrée à l’Annonciation. « Anno 1656 » date la verrière (haute nef nord) « Saint Michel terrassant le démon » et « Anno 1658 » date celle consacré (haute nef sud) à la vierge à l’enfant entourée de symboles ».
La verrière consacrée au baptême du Christ (transept sud) est datée mais il faudrait disposer d’une vision exceptionnelle pour pouvoir lire dans la partie haute de la verrière, sur un phylactère, la date de 1533 écrite en chiffres romains.
Notons également que Capronnier ajoute quelques mots à la verrière du chœur consacrée à la Trinité : « Restauré par J. B. Capronnier 1845. », et qu’en 1965 les restaurateurs font de même pour les hautes verrières de la nef « Les 8 vitraux de la haute nef ont été restaurés par M. Hizette, O. Piron et F. Crickx 1965 ». Capronnier et Comère signent et datent également la restauration de la verrière du Baptême du Christ située dans le transept sud « F.COMÈRE & J. CAPRONNIER PINXIT FECIT RÉÉDTION RESTTION BRUXELLES 1896 ».
Les deux premières inscriptions sont bien visibles, assez facilement d’ailleurs, … mais uniquement quand on a la chance de pouvoir découvrir la collégiale depuis le triforium
La troisième est écrite en grand, tout en bas de la verrière, mais est en partie cachée par la balustrade du triforium quand on regarde « depuis le sol de la collégiale ».
Plus proches des regards, les verrières des chapelles portent également des dates parfois en chiffres arabes : « 1893 » sur le vitrail de la chapelle de Saint-Hilaire par exemple ; parfois en chiffres romains « MDCCCLIIL » sur la verrière de la chapelle des Trépassés.
Si l’on excepte les pierres tombales[ii] et les taulets[iii] (datés en chiffres arabes ou romains), les autres dates à découvrir dans la collégiale sont parfois un peu plus difficiles à trouver ou rarement accessibles.
Ainsi, les deux reliquaires de sainte Waudru sont datés. Le chef de la patronne montoise porte, sur un phylactère situé en dessous du visage en argent la date « MDCCCLXVII ». Quant à la châsse, deux inscriptions se trouvent à la base des pignons. D’un côté, c’est la date « 1887 », de l’autre « MDCCCLXXXVII » qui correspondent à l’année de réalisation du reliquaire par l’orfèvre liégeois Wilmotte. Ce dernier, contrairement à l’orfèvre Bourdon qui a réalisé le Chef de sainte Waudru, a laissé son nom sur la châsse qui est de ce fait « datée et signée ».
En ce qui concerne les peintures, seule celle consacrée au « Parentage de Sainte Waudru » est datée de manière très lisible. Il s’agit de 1577, année au cours de laquelle le tableau a été réalisé à la demande d’une chanoinesse, Mme de Molenbaix[iv].
Un peu plus difficile à lire, 1757[v] est la date qui figure, chaque fois avec la signature de l’artiste « de Soignies p. », sur les deux toiles ovales du transept dues à Jacques-Joachim De Soignies.
D’autres peintures portent évidemment des dates mais elles sont plus difficiles à lire, entre autres : Saint-Alphonse de Liguori par Van Ysendyck en 1842[vi] ; deux des toiles dédiées à sainte Jeanne de Chantal par De Soignies sont datées de 1756[vii] (chapelle des Féries) et de 1757[viii] (chapelle de Saint-François).
Au Trésor, un Christ de Pitié est signé et daté par Martin De Vos en 1600 (la signature et la date se lisent assez aisément).
Dans le transept, au-dessus des deux autels factices, sont peintes deux dates en chiffres romains : MCMXXVI et MDXLV. La première évoque le placement des œuvres de Du Broeucq en 1926 par le chanoine Puissant et la seconde le travail de Du Broeucq vers 1545.
Les cloches de la collégiale sont évidemment datées mais le chemin pour aller les lire n’est pas accessible aux visiteurs. Elles datent de 1820 pour Désirée « J’ai été bénie en 1820 par Mgr. Jean Baptiste DERUESNE » et de 1956 pour Marguerite « ANNO MDCCCCLVI ».
Toutes ces dates évoquées racontent l’histoire d’un bâtiment et de son patrimoine.
Quant à date la plus ancienne[ix] et à celle la plus récente que l’on peut lire « aisément ou pas » à l’intérieur de la collégiale, il s’agit, pour la plus ancienne, de « 1169 » pour le couvercle du sarcophage de la comtesse Alix de Namur et de « 2022 » pour la plus récente qui se trouve sur le coffret contant les sceaux offerts par les acteurs du Lumeçon à la collégiale (sceaux remis le dimanche matin de la Ducasse par le doyen de Sainte-Waudru à Saint-Georges[x]).
Mais il existe une date essentielle dans l’histoire de la collégiale, date « facile » à lire. Elle figure en lettres peintes en rouge sur les cartouches soutenus par les angelots du Car d’Or. En additionnant ces lettres, en leur donnant la valeur des chiffres romains, on obtient, sur chaque chronogramme, la date de 1803. C’est la date à laquelle les chanoinesses acceptent de donner à la jeune paroisse Sainte-Waudru (érigée officiellement le 16 octobre 1803) les reliques de leur sainte patronne qu’elles avaient sécurisées à Liège (le chef) et à Rattingen en Allemagne (le corps).
Ainsi sur le cartouche « arrière » du Car d’Or on peut lire : « DIVAE WALDETRUDIS EXUVIAE SUPRA ALTARE RELOCANTUR. ». En additionnant D + I + V + W + L + D + U + D + I + X + U + V + I + U + L + L + C + U ( soit 500 + 1 + 5 + 10 +50+500+5+500+1+ 10+ 5+5+1+5+50+50+100+5), on obtient 1803. Le même exercice peut se faire avec les quatre autres cartouches.
Il y a donc dans la collégiale des dates faciles à lire, d’autres plus difficiles et des dates qui permettent de faire un peu de calcul mental[xi] autour du véhicule destiné par les chanoinesses à porter les reliques de Waudru en procession !
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor
[i] Deux clefs de voûte de la nef portent le millésime 1580.
[ii] La date 2009, gravée à côté d’une croix sur une dalle du chœur (près de l’entrée des stalles, côté nord), rappelle que c’est à cet endroit, et donc en 2009 (profitant des travaux d’installation d’un chauffage dans le chœur), que fut créé un ossuaire pour conserver dignement les ossements trouvés au fil du temps dans la collégiale
[iii] Monuments funéraires en pierre sur lesquels les défunts sont conduits vers la Trinité ou la Vierge à l’enfant par leurs saints patrons. Un texte évoquant les défunts (notamment les dates des décès) est sculpté soit sous la scène représentée, soit entourant le « tableau ».[iv] C’est probablement en 1577 que l’on a célébré le 9e centenaire de la mort de sainte Waudru. Au fil du temps, l’année de décès de Waudru a plusieurs fois changé, pour arriver à ce que de nos jours on retienne 688 comme année de décès de la patronne de Mons.
[v] Dans le transept nord, sur l’Adoration des Bergers, la date 1757 est peinte sur la planche qui est un peu plus bas que les pieds de la Vierge.
Dans le transept sud, sur la vision de saint Bernard, la date 1757 est peinte sur le nuage en-dessous de la représentation de saint Bernard.
[vi] La date « 1842 » est peinte, à côté de la signature « Van Ysendyck », sur la base de la marche de l’autel (juste sous la croix qui y est posée).
[vii] La date « 1756 » est peinte sous la signature de Soignies pinx. , dans le prolongement de la main droite de sainte Jeanne de Chantal sur la base du socle soutenant une colonne.
[viii] La date « 1757 » est peinte dans le bas du tableau, à gauche en le regardant, sur la base d’un pilastre à côté de la porte.
[ix] La date 1081, rappel de l’année de l’apparition de Marie au seigneur Hector de Tongre, figure sur la verrière centrale de la chapelle axiale (dédiée à Notre-Dame de Tongre) mais il s’agit ici d’une évocation historique et non d’une date datant une œuvre. Le vitrail en question est lui daté de « MDCCCLXVII ».
[x] Le coffret contient deux sceaux qui sont remis alternativement un an sur deux à Saint-Georges par le doyen de Sainte-Waudru après la pose de la châsse de sainte Waudru sur le Car d’Or après la messe de la Trinité.
[xi] Une pierre tombale située dans la nef (à hauteur du septième pilier côté nord) commence également par un chronogramme « DoMInVs georgIVs aVpatIn ConsILIarIVs ». En additionnant les chiffres romains, on obtient bien la date qui figure un peu plus loin sur le texte de la pierre tombale. Le registre des décès de la collégiale (pour l’année en question) confirme également la date du décès.