Message de Mgr Harpigny, lors du Te Deum, Fête du Roi, Collégiale Sainte-Waudru, Mons, 15 novembre 2024

Nous avons beaucoup de chance de pouvoir résider dans une région du monde où on respecte l’État de droit. À quelques milliers de kilomètres d’ici, on constate la violation des frontières, le non-respect des droits humains et l’incarcération de multiples personnes en raison de leurs opinions politiques. La consolidation d’un État de droit est l’œuvre de tous les citoyens, dans le respect de la séparation des pouvoirs et dans l’investissement de chaque personne élue à qui sont confiés des responsabilités, des missions, des mandats.

En cette année 2024, des élections ont été organisées à tous les niveaux de pouvoir dans notre pays, notre région, notre communauté, notre province, notre entité communale. Selon les procédures depuis longtemps éprouvées, des majorités se mettent en place dans les différents exécutifs. Au niveau fédéral, le Roi a un rôle spécifique qui est respecté.

Grâce aux médias, l’opinion publique est régulièrement informée des étapes à franchir pour aboutir à des décisions qui tiennent la route.

En même temps, ce qui est décidé en Belgique a, automatiquement, des répercussions au niveau de l’Union européenne et de beaucoup d’ensembles structurés selon les alliances entre États. En raison de situations dramatiques en Europe orientale, au Moyen Orient, en Afrique centrale et ailleurs, l’opinion publique en Belgique donne un avis, exprime son désaccord, n’hésite pas à évaluer ce qui se passe. C’est ici que l’État de droit est comme une garantie de la liberté d’expression.

Enfin, l’élection du Président des États-Unis d’Amérique, selon les règles en vigueur, nous invitera sans doute à revoir notre implication dans des organisations de défense, dans les alliances entre États, dans le combat pour consolider les décisions prises à propos du climat.

Chacun, ici, aura l’occasion à bien évaluer le réel, à prendre ses responsabilités, à financer les projets qui, à terme, rendront l’existence humaine meilleure. Nous pouvons remercier les différentes ONG, les centres de recherche de haut niveau et autres associations pour leur travail d’alerte, et leurs recherches scientifiques.

Nous entendons parfois dire que le monde dans lequel nous vivons est compliqué. C’est vrai en un sens. Mais imaginons un monde simple, où les citoyens n’ont pas voix au chapitre ; imaginons un monde où les déplacements sont interdits, où les frontières sont fermées de manière arbitraire, où les transactions financières sont régulées uniquement par des groupes qui ne sont pas contrôlés par la Loi. Que dirions-nous ? Qu’une des caractéristiques fondamentales de l’être humain, la liberté, est foulée aux pieds.

Dernière chose ce matin : depuis des millénaires, quelles que soient les régions de la planète, les êtres humains ont eu des convictions qui donnent sens à la vie, qui cherchent à évacuer le mal, qui fondent le respect d’autrui et le vivre-ensemble. Depuis quelques siècles, plusieurs de ces convictions ne font pas référence à une divinité, un transcendant, un ailleurs hors de ce monde. Des penseurs éminents qui analysent l’évolution des mentalités y voient un progrès pour l’avenir des nations. Si bien que, dans beaucoup de sociétés, on a deux convictions régulièrement mises en avant. D’un côté, les convictions sont appelées à rester dans le domaine privé ; d’un autre côté, la loi civile est supérieure à la loi religieuse. Nous sentons bien qu’outre la réflexion philosophique qui évolue à grands pas depuis des décennies, sur ces questions, réflexion que nous respectons, nous sommes très attentifs aux nouvelles convictions qui se manifestent dans notre pays depuis les années 1960. Dans notre passé, nous avons connu des guerres de religion à partir du XVIème siècle. Les traités de 1648 y ont mis fin. Un juriste hollandais, Hugo Grotius a eu, pour justifier ces traités, la formule latine : etsi deus non daretur ; comme si Dieu n’existait pas. Peut-être pourrions-nous encourager toutes les associations qui, pour soutenir le vivre ensemble harmonieux et fécond, trouveront des formules nouvelles pour nourrir le dialogue interconvictionnel et susciter des actes de solidarité. Il s’agit d’un chantier, à mes yeux immense, mais qui en vaudrait la peine.

Soyons lucides, soyons solidaires, soyons tous des artisans d’un monde où règnent la justice et la paix.

Guy Harpigny,
Évêque de Tournai