
Nous fêtons Pâques au cœur de cette année jubilaire 2025 où l’Eglise nous appelle à être des pèlerins d’espérance.
Les femmes qui se rendent au tombeau vont devenir les premières pèlerines de l’espérance. Pourtant, c’est le cœur lourd de beaucoup d’inquiétudes qu’elles vont de bon matin rendre un dernier hommage à Jésus qu’on vient d’ensevelir. Elles sont toutes remplies des souvenirs de ce qu’elles ont vécu avec lui quand elles le suivaient ; mais tout cela, c’est du passé. Jésus est mort, on l’a descendu de la croix et il a été enseveli ; une lourde pierre a fermé le tombeau. L’histoire de Jésus semble définitivement finie.
Mais pour ces femmes, rien ne se passe comme prévu. Elles découvrent le tombeau vide. « Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps de Jésus ». Voilà pour les femmes une nouvelle raison d’accroître leur inquiétude. En chemin, elles redoutaient de ne pas pouvoir rouler la lourde pierre qui fermait le tombeau et quand elles arrivent et qu’elles découvrent la pierre roulée et le tombeau vide, leur questionnement est plus grand encore. On comprend bien que l’évangéliste nous dit qu’elles étaient désemparées.
Nous aussi nous avons, tous et toutes, nos inquiétudes et nos raisons d’être désemparés. Les soucis de la vie nous préoccupent parfois bien lourdement, l’ambiance du monde n’est pas non plus sans nous poser des questions : tant de choses en nous et autour de nous peuvent nous sembler bloquées, bouchées par de lourdes pierres qui nous empêchent d’être sereins et confiants. Frères et sœurs, c’est avec tout cela dans nos cœurs que nous fêtons Pâques. Comme les femmes arrivées au tombeau, il nous faut bien reconnaître que nous aussi nous sommes souvent saisis de crainte, habités par un tas de « pourquoi ? »
Dans ce contexte plein d’interrogations, une parole jaillit pour les femmes telle une lumière inattendue. Elle est portée par la voix de deux hommes en habit éblouissant, dit l’évangile ; ce sont des envoyés de Dieu. Leur message s’adresse aussi à nous aujourd’hui : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est pas ici, il est ressuscité ! » Saisissant message que nous avons à laisser retentir dans nos cœurs en cette sainte nuit de Pâques : Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? Pourquoi chercher dans le passé celui qui est présent ? Pourquoi chercher dans les nuages, celui qui est au creux de nos vies ?
Et les messagers de Dieu ajoutent encore ces paroles : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Rappelez-vous ! Se rappeler, ce n’est pas raconter une histoire passée et aligner des souvenirs. Il s’agit de faire mémoire, c’est -à-dire actualiser, rendre présent tout ce que Jésus a annoncé, et reconnaître que ce ne sont pas des belles paroles enfermées dans le passé, ce sont des paroles de vie qui apportent un éclairage dans tout ce que nous vivons et particulièrement quand l’angoisse s’empare de nous et que nous nous sentons perdus. Tout ce que Jésus a annoncé et que nous connaissons bien en lisant les évangiles, s’accomplit pour nous aujourd’hui parce que Dieu a relevé Jésus de la mort, il a ouvert son tombeau, il nous le rend présent pour éclairer nos chemins et faire de nous des pèlerins d’espérance.
L’espérance, ce n’est pas projeter devant nous ce que nous voudrions voir arriver. L’espérance est un don de Dieu qui seul peut susciter un commencement là où nous croyons que tout et fini. Espérer, c’est s’ouvrir à l’inouï qui vient de Dieu et qui jaillit dans les nuits de nos doutes, de nos désillusions et de nos peurs.
Pâques nous dit que rien n’est impossible à Dieu. Dieu est toujours à l’œuvre, son action dépasse infiniment ce que nous pouvons imaginer. Les lectures de cette veillée pascale nous l’ont rappelé. Dieu crée en faisant sortir du chaos, Dieu rend libre en faisant sortir de l’esclavage. L’espérance est sortie du chaos, délivrance du mal et de la mort, promesse d’une vie en abondance et éternelle. Pâques signifie « passage », dans le sens de sortie et de traversée, de libération et de création nouvelle.
Alors avec toute l’Eglise, ce soir nous levons les yeux vers Jésus le Vivant en proclamant que Dieu l’a ressuscité : il l’a fait passer de la mort à la vie. Et Jésus ressuscité nous entraîne dans sa résurrection. Il est vivant, et nous fait vivre. Il est debout par-delà la mort, et il nous relève. Il nous libère de nos angoisses, il nous rassure aux heures de doute, il nous fait sortir de nos échecs, il est la lumière qui dissipe nos ténèbres.
Notre foi se situe dans le sillage des femmes venues au tombeau et des apôtres qui ont dû, eux aussi, expérimenter que la foi en Jésus ressuscité n’est pas une soudaine illumination qui changerait tout comme par magie. La foi est plutôt une naissance progressive à l’inattendu qui vient de Dieu. Il faut du temps pour passer de l’inquiétude à la foi, il faut du temps pour que la lumière du ressuscité se faufile en nos cœurs pour laisser passer la clarté de Jésus le Vivant.
Nous l’avons chanté et nous en faisons notre prière : « Jésus le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas les ténèbres me parler. » En cette sainte nuit de Pâques, Jésus, vainqueur du mal et de la mort, ravive en nos cœurs le feu qui couvait sous la cendre de notre tiédeur ; et par le Baptême, il nous invite à vivre avec lui ce grand passage de la mort à la vie.
Oui ! Jésus ressuscité, vient rouler la pierre de nos tombeaux. Il ouvre une brèche dans le mur de nos enfermements. Il apporte la paix à nos cœurs inquiets. Dans notre monde où tant de choses sont chaotiques, il nous appelle à être des pèlerins d’espérance, guidés par la lumière de Pâques.
André Minet
Curé-Doyen