Homélie pour l’Assomption,
donnée le 15 août 2024, par l’abbé André Minet,
lors de la Procession de Notre-Dame de Moulineau, Ghlin

L’Assomption de Marie, c’est sa participation à la gloire du Christ Ressuscité.  Et nous le savons : Jésus est devenu Seigneur parce qu’il s’est fait serviteur. C’est le même chemin d’humilité que Marie a emprunté en acceptant d’être jusqu’au bout l’humble servante du Seigneur. Voilà pourquoi Dieu l’a élevée dans sa gloire.

Nous venons d’entendre le récit de la Visitation. En accueillant Marie qui vient la visiter, Elisabeth s’écrie : « Heureuse celle qui a cru ! » Et en réponse, Marie rend à grâce à Dieu. Elle proclame les merveilles accomplies par le Seigneur : « Il s’est penché sur son humble servante…Il disperse les superbes, renverse les puissants de leur trône et élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »

Devenue par l’Esprit Saint la mère du Sauveur, Marie chante le Seigneur qui triomphe de la faiblesse, élève les humbles et abaisse les orgueilleux. Dans sa prière d’action de grâce, Marie ne se met pas au centre, elle détourne les regards de sa propre personne pour les tourner vers Dieu. Les merveilles, ce n’est pas Marie qui les a faites, c’est le Puissant qui a fait pour elle des merveilles ; c’est Dieu qui déploie sa force en Marie, son humble servante.

Marie ne se met pas en avant, elle oriente nos regards vers Dieu pour qui rien n’est impossible ; et en même temps, Marie n’oublie pas l’humanité appelée à accueillir les dons de Dieu. Marie nous invite à nous tourner avec elle vers les petits, les pauvres, les malades que son Fils Jésus va bientôt relever et remettre debout. Marie a aussi une pensée pour les riches, pour ceux qui se croient au-dessus de tout, comme si l’horizon de la vie n’allait pas plus loin que l’horizon de cette terre, oubliant que nos vies humaines sont appelées à s’épanouir dans le Royaume de Dieu.

Le Magnificat est à la fois la prière d’action de grâce de Marie et l’expression de sa conviction que croire en Dieu qui fait des merveilles nous appelle à réviser notre échelle de valeurs. Prier le Magnificat, c’est donc aussi nous engager sur le chemin qui a conduit Marie à son assomption. Ce cantique sonnerait faux dans notre prière s’il ne s’accompagnait pas d’une mise en action inspirée par les valeurs du Royaume de Dieu. Le Magnificat condense en quelques phrases tout ce qui sera le message que Jésus proclamera en paroles et en actes. Faire nôtre cette prière nous engage donc à prendre avec Marie le chemin de l’Evangile. Et il nous faut prendre conscience que cela exige de notre part un changement total de mentalité. Annoncer les merveilles du Seigneur, élever les humbles, disperser les superbes, renverser les puissants, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides : c’est un programme à fois spirituel et social.

Si Marie chante Dieu qui disperse les superbes et renverse les puissants, c’est parce qu’elle a compris, dans la lumière de la foi, que la vraie richesse c’est d’enraciner nos vies en Dieu et non dans la puissance de ce monde. La prière de Marie n’est en rien un appel à partir en guerre contre ceux que nous considérons comme riches et puissants ; c’est davantage un appel à reconnaître que la recherche exclusive des biens matériels est une impasse qui ne mène pas bien loin. Il ne faut pas se leurrer sur ce qu’est la toute-puissance : la vraie force vient de Dieu ! Marie ne se présente pas comme juge de l’humanité en quête de grandeur, elle s’efforce d’entrer dans le plan de Dieu. Et elle sait que Dieu est riche en miséricorde. Il est plein de compassion pour tous, y compris pour ceux qui font fausse route. Marie le chante dans sa prière : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge. » Dieu pardonne toujours et à tous. Marie nous invite ainsi à porter sur les autres un regard qui appelle à la conversion, un regard qui met en valeur la lumière enfouie dans le cœur de chaque être humain.

Marie chante la grandeur de Dieu, tellement au-dessus de nos vaines recherches de bonheur. Elle proclame la force de Dieu qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides. Ne nous trompons pas de richesse, n’imaginons pas que ce sont les biens que nous possédons qui nous hissent plus haut. Dieu est celui qui élève les humbles. Jésus le dira dans sa prédication : « Qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé » et il dira encore : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les humbles, le Royaume des cieux est à eux. »

Nous sommes ici au plein cœur du mystère de l’Assomption que nous célébrons aujourd’hui. Dieu élève les humbles. La grandeur de Marie, c’est son cœur pauvre et accueillant à Dieu, c’est sa vie faite d’humilité et de confiance en Dieu : voilà ce qui fait sa vraie richesse. Un cœur de pauvre, des mains vides peuvent recevoir ce qui y sera déposé. La grandeur de nos existences devant Dieu transite par notre petitesse, par nos manques. Nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu. Et quand nos pauvretés, nos vies façonnées par l’humilité et le sens du service sont tournées vers Dieu, alors il les comble de sa richesse ; et il nous donne de pouvoir un jour comme Marie partager sa gloire.

L’Assomption de Marie n’est pas un privilège dont elle serait la seule bénéficiaire, c’est la promesse de notre propre assomption ! Nous sommes tous et toutes appelés à partager un jour la gloire de Dieu ! Alors aujourd’hui, redécouvrons avec une fraîcheur nouvelle la prière du Magnificat. Faisons nôtres les sentiments de Marie, suivons-la en toute humilité sur le chemin où nous sommes appelés à avancer dans la foi. Que la prière de Marie nous ouvre les yeux et le cœur aux merveilles que le Seigneur veut accomplir dans nos vies, dans nos familles, dans l’Eglise et partout dans le vaste monde qui nous entoure.

André Minet
Notre-Dame du Moulineau,
Ghlin, 15 août 2024